Designer et sculpteur depuis 2003, Erwan Boulloud travaille à Montreuil, en région parisienne, aux côtés de cinq collaborateurs. Il sculpte des meubles d’exception uniques ou en édition limitée.
L’école Boulle et votre spécialisation monture en bronze vous ont appris les techniques que vous utilisez. Quelles sont vos intentions de création ?
L’étape la plus compliquée du processus réside dans la création d’une œuvre « d’origine », quasi instinctive. Parfois, je m’arrête à cette genèse. D’autres fois, je n’ai plus qu’à dérouler le fil pour la faire évoluer, lui inventer une descendance, en tirer une collection. D’une pièce en découle une autre, comme un mouvement perpétuel. Je ne suis pas sentimental, une fois une œuvre achevée, je m’en détache, elle m’emmène ailleurs. Et ainsi de suite.
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Je suis davantage un lecteur de Sciences et Vie que des revues artistiques. Pour moi, le beau ne suffit pas. Une pièce ne devient une œuvre que lorsqu’elle est justifiée par une démarche intellectuelle. Un jour, à la montagne, le sol frappé par le soleil m’a fasciné. La sècheresse avait sculpté dans la terre de petites craquelures, et j’ai cherché à les comprendre puis à les maîtriser. Aujourd’hui, j’arrive à influencer ce phénomène, jusqu’alors aléatoire, de telle sorte que la terre révèle par elle-même le sens que je souhaite donner à l’œuvre. Une de ces recherches formelles a donné naissance aux tables basses en bronze Larmes Atacama.
Vous travaillez la structure de vos matières, pourquoi cela ?
Les matériaux peuvent être « riches » comme le diamant ou « pauvres » comme le bitume, mais tous ont des particularités qu’il faut savoir exploiter et mettre en valeur. C’est la façon de les travailler qui va leur donner de la noblesse.
Préférez-vous que vos œuvres intègrent un musée ou le salon d’un particulier ?
C’est que la limite entre l’œuvre et le meuble n’existe pas vraiment pour moi. Une œuvre peut être fonctionnelle tout comme un meuble peut être sculptural. L’intérêt que je trouve au mobilier, c’est avant tout qu’il me donne l’occasion de traiter l’envers du décor. La sculpture n’est plus seulement qu’une enveloppe externe, mais une pièce à laquelle on peut donner un sens plus profond justement parce qu’elle s’ouvre et qu’on accède à ses entrailles. La destination de mes œuvres m’importe peu. Je sais qu’elles rejoignent les plus souvent les collections de galeries privées ou sont acquises par des personnalités partout dans le monde.